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Jonathan André : « Avec le HVO100, il y a un gain de puissance et un gain environnemental »

À six ans, Jonathan André sillonnait les paddocks des courses de camions en quête d’autographes. A 14 ans, il a lancé le premier site internet français dédié à la discipline. À 28 ans, après des études d’informatique, Jonathan est team manager du Lion Truck Racing et en 2022, le destin le hisse dans la cabine d’un MAN de 1 200 chevaux sur les circuits français et européens, un « monstre » au volant duquel il compte briller aux prochaines 24h du Mans Camions (20-21 septembre). Partenaire du Lion Truck Racing, qui a contribué au développement du biocarburant HVO100, TotalEnergies a accompagné le team dans la construction d’un nouveau MAN de course qui débutera en 2026.

Quel est l’historique du team Lion Truck Racing ?

Le team a été fondé en 2012 par Patrick Folleas, un passionné de camions et de sport automobile. Pascal Calas l’a rejoint pour la partie mécanique et moi je suis devenu le team manager. On a tout de suite voulu se démarquer. Par exemple, nous avons été les premiers à faire rouler une femme en course de camions, Steffi Halm, qui a été championne de France avec nous, la première femme championne de sport automobile. On avait des loges sur les plus beaux circuits, un réceptif soigné, etc. C’était un peu notre marque de fabrique. Après Steffi, on a fait rouler Anthony Janiec qui a aussi été Champion de France et qui est malheureusement décédé en 2022.

Et vous lui avez succédé au volant du camion…

On ne trouvait pas de pilote et je voulais qu’on termine la saison. On s'est dit que le résultat n'était pas très important, le principal c'était de faire au moins une course et de rouler. J'ai proposé à l'équipe de prendre le volant du camion. Et voilà, donc maintenant ça fait trois ans…

Mais vous n’aviez aucune expérience de pilote ?

Aucune. Mon père m'emmenait sur les courses de camions quand j'avais six ans. J'étais vraiment passionné, c'était notre loisir. Nos amis partaient en vacances, nous on allait sur les circuits, en France, en Angleterre, en Allemagne. Je prenais des photos, je faisais signer des autographes… À quatorze ans, j'ai créé un site internet sur les courses de camion. Je suivais des études d’informatique, ce qui m’a bien aidé ! C'est rapidement devenu la principale source d’actualité en France sur les courses de camion. Parallèlement, mon père a eu l’opportunité de disputer une course dans le team Robineau, puis de fil en aiguille, il a piloté des camions plus performants et a été Champion de France en 2005, il y a 20 ans…

Et à votre tour, vous avez pris le volant d’un camion de course

Après une séance d’essais à Nogaro, j’ai débuté en course directement en Championnat d’Europe où le niveau est très relevé. Dès le tour de chauffe, mes concurrents venaient me coller un peu pour m'impressionner. Mais finalement, le week-end s'est bien passé. La course suivante, c’était au Mans et j'ai gagné une des quatre manches.

Piloter ces camions de 1200 chevaux, ça doit être très impressionnant !

Je suis vraiment un pilote de camion et je n’ai rien piloté d’autre. C’est un pilotage atypique, il faut savoir doser une puissance énorme sur l’essieu arrière, sinon on part immédiatement en tête-à-queue. Il y a aussi un temps de latence au niveau du turbo, donc, il faut toujours anticiper avant les virages quand on va remettre les gaz. Puis il ne faut surtout pas lâcher car la pression de turbo s'effondre et on perd du temps. Ça a l'air un peu brut, un peu bestial, mais il faut être super fin et tout anticiper. Et moi, ça me plaît beaucoup. Il y a aussi le gabarit. Le camion est très gros sur la piste. Il faut se placer au millimètre et être super précis sur les trajectoires. C'est un pilotage vraiment fin. Le MAN développe 1200 chevaux pour 5,4 tonnes et on est limité à 160 km/h pour des raisons de sécurité.

Et comment TotalEnergies a rejoint l'aventure du Lion Truck Racing ?

On a toujours essayé de donner une image positive des courses de camions, aussi bien pour nos partenaires que pour le public. Quand TotalEnergies a développé un biocarburant 100% d’origine renouvelable qui s'appelle le HVO100, on faisait partie des teams leaders en France avec des partenaires sérieux, une belle image. On a discuté et le courant est tout de suite passé. C’était en 2021. Notre MAN a été le premier camion en France à tester ce biocarburant. Les ingénieurs de MAN et de TotalEnergies ont travaillé ensemble. Le HVO100 a révolutionné les courses de camion et aujourd’hui, ce carburant 100% d’origine renouvelable est obligatoire en Championnat d'Europe FIA ETRC et est commercialisé sur le marché routier et non routier. Je suis très fier de ce partenariat.

Obligatoire en Championnat d’Europe, et pas en championnat de France ?

En France, on est libre de choisir le fournisseur de carburant, mais on doit utiliser du biocarburant car les fumées noires sont interdites sous peine d’être exclus de la course. Nous utilisons évidemment le HVO100 de TotalEnergies, mais certains teams plus modestes sont contraints d’abaisser la puissance pour rester dans les normes de pollution. Au début, je pensais que le HVO100 ne nous apporterait rien en termes de performance. Finalement, les ingénieurs ont réussi à augmenter de 2, puis 4, puis 6% notre puissance avec le HVO100 de TotalEnergies et sans aucune émission de fumée. On se retrouve avec un camion plus performant et qui respecte mieux l’environnement ! Grâce au HVO100, il y a un vrai gain.

TotalEnergies vous fournit également les lubrifiants poids-lourds Rubia

Les moteurs, boîtes de vitesses et transmission subissent des contraintes très fortes. Un camion de course roule presque toujours à pleine charge et enchaîne les montées en régime, généralement dans un peloton serré où les températures sont très élevées. D’autre part, nous évoluons dans des conditions climatiques variées, des essais hivernaux à la canicule de Madrid par exemple. Une bonne lubrification de toute les chaînes cinématique est donc primordiale. Depuis que Rubia nous a rejoints sur ce programme, nous n’avons jamais connu d’abandon lié à une surchauffe mécanique. Pour TotalEnergies, la course est un véritable laboratoire pour tester de nouveaux produits dans un environnement extrême.

Cette saison, vous menez de front le programme de course et la construction d’un nouveau camion. Comment construit-on un camion de course ?

Notre MAN a sept ans, il a un beau palmarès mais nos concurrents progressent et le règlement évolue. Il fallait donc construire un nouveau véhicule de course. On part de deux traverses de châssis d'un vrai camion et tout le reste, on est libre de le construire de A à Z. Donc la cabine, on la découpe pour créer un gros tunnel où passe l'air pour refroidir le moteur. Le moteur, toujours un MAN, on le recule dans le châssis pour une meilleure répartition des masses. On recule aussi la boîte de vitesses, on recule tout l'ensemble, on met un nouvel essieu avant avec du carrossage, les points rigides et souples du châssis sont placés différemment, les suspensions sont spécifiques… Tout est fait dans notre atelier à Toulouse. Il faut cinq mois à deux personnes à temps plein pour construire un nouveau camion de course.

Vous n’avez pas de soutien du constructeur ?

Non, on loue les moteurs chez MAN et ils nous donnent deux ou trois conseils, c’est tout. On se débrouille tout seul. Ça veut dire que parfois, on apporte des évolutions qui ne fonctionnent pas, alors on refait des études et on recommence… C’est un chalenge super intéressant. Je suis confiant car les évolutions semblent être performantes.

Ce nouveau camion devait débuter cette saison, mais finalement ce sera pour 2026 ?

J’ai eu un gros crash au Castellet en début de saison à cause d’un flexible de frein sectionné lors d’un contact. Il a fallu reconstruire un camion de course et nous avons dû prendre des pièces du nouveau camion pour continuer la saison avec l’ancien. Les mécaniciens ont mis quatre semaines pour le reconstruire ce qui a entraîné un retard, sur le nouveau projet. Il ne débutera en course qu’en 2026, mais j’effectuerai des séances d’essai en fin d’année.

Pour l’instant, la saison 2025 se déroule plutôt bien avec deux victoires ?

Oui, j’ai gagné une course à Nogaro et une à Magny-Cours, plus des podiums en France et en Europe à Misano, dans notre catégorie. Je suis encore un pilote assez inexpérimenté et c’est mon meilleur résultat au niveau européen. En revanche, à cause de mon crash au Castellet, j’ai fait une croix sur mes objectifs de podium au championnat de France 2025. Désormais, mon but est de gagner le plus de courses possibles.

La prochaine se déroulera au Mans. Les 24h Camions sont un événement majeur dans la saison ?

Nous allons à Zolder en Belgique, puis au Mans. Les 24h Camions sont à mes yeux le plus gros Grand Prix Camion en Europe, devant le Nürburgring. C’est un week-end 100% dédié aux camions avec des expositions, des animations, plein d’activités... Le paddock est ouvert au public, il y a beaucoup d’échanges avec les pilotes et j’adore ça. On attend plus de 90 000 spectateurs, et entre 500 et 600 invités dans notre réceptif, dont beaucoup de VIP de TotalEnergies. Les courses sont retransmises à la télévision, il y a une épreuve de nuit, c’est magique. Ça s’appelle 24h Camions, mais la course ne dure pas 24 heures comme pour les voitures. Ce serait impossible pour les camions, à cause des freins et des pneumatiques qu’il faudrait changer pendant la course et ce serait trop long… Les courses de camion durent 30 minutes chacune sur le circuit Bugatti où il est difficile de doubler. Le Mans m’a toujours souri, j’espère faire un beau résultat.