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27/03/2024 Actus

Interview Olivier Jansonnie

Paris, 27 mars 2024 - Directeur technique de Peugeot Sport, il vient de lever le voile sur la nouvelle arme du Team Peugeot TotalEnergies en Championnat du Monde FIA d’Endurance, la PEUGEOT 9X8 2024, laquelle revêt pour l’occasion une livrée exceptionnelle symbolisant le collectif. À l’approche de son baptême du feu, prévu lors de la deuxième manche du FIA WEC à Imola (21 avril), il revient sur sa genèse, ainsi que sur la collaboration entre TotalEnergies et Peugeot Sport.

« L’objectif est clairement de revenir dans le match et de jouer régulièrement le podium, voire la victoire »

La PEUGEOT 9X8 2024 vient d’être révélée au grand jour, que ressentez-vous ? Du soulagement, de l’impatience ?

C’est surtout un peu de fierté, car c’est un projet que l’on a mené depuis maintenant plus d’un an, pour aboutir à une voiture, certes pas totalement nouvelle, mais tout de même revue substantiellement. Cela a nécessité une quantité de travail importante en parallèle de l’exploitation en course la saison passée. Je suis très fier que l’on puisse présenter la PEUGEOT 9X8 2024 exactement dans le timing que l’on avait défini. On a tenu tous les jalons que l’on s’était fixés.

 

Cette voiture est le fruit d’un projet entamé en mars 2023. Racontez-nous l’effort collectif que sa genèse a nécessité en même temps que vous continuiez à concourir dans le très relevé championnat FIA WEC avec la PEUGEOT 9X8 2023…

On a mobilisé sur deux fronts différents nos équipes de conception qui ont dû faire face à des évolutions dans le cadre de l’homologation de la voiture 2023 et en parallèle développer une voiture considérablement nouvelle. Pour les équipes d’exploitation en charge de la performance, il s’agissait aussi d’optimiser en piste la voiture 2023 tout en suivant l’évolution de ce projet 2024. C’est donc une deuxième charge qui s’est rajoutée pendant toute cette période pour le team. Il était aussi crucial que pendant le développement de la voiture 2024, on intègre tout ce que l’on continuait d’apprendre sur la voiture 2023. Le cahier des charges a donc de fait évolué légèrement entre mars 2023 et son gel en septembre, octobre, pour tenir compte de ce que l’on a appris et notamment au Mans.

Quelle est la réflexion qui a mené à cette mouture 2024 de la PEUGEOT 9X8 ?

Nous étions partis sur des choix techniques qui ne sont plus pertinents aujourd’hui en raison de l’évolution entre temps du règlement et cet écart de performance n’a pas été suffisamment compensé par la BOP (Balance of Performance) en 2023. L’idée était donc de revenir à un choix de concept de voiture beaucoup plus proche de ce que font nos concurrents, de manière à être ensuite équilibré de manière équivalente par la BOP. D’où notamment l’abandon de la monte de pneumatiques au carré 31/31cm, pour adopter à la place des gommes de 29cm de dimension à l’avant et de 34cm à l’arrière. Ce n’est pas à proprement parler une nouvelle voiture car toute la partie châssis a été conservée, mais il y a beaucoup d’évolutions. Pour bien faire travailler les pneumatiques, il a fallu modifier le centre de gravité de la PEUGEOT 9X8, donc déplacer des pièces, travailler aussi sur des allègements… Et pour avoir une balance aérodynamique bien équilibrée, on a du même coup revu la répartition des efforts aéro ce qui nous a conduit à reconcevoir environ 90 % des éléments de carrosserie avec notamment la greffe d’un aileron arrière. En plus de cela, on a profité de cette nouvelle homologation pour inclure un certain nombre d’évolutions de fiabilité et de performance pour mettre toutes les chances de notre côté.

Vous sortez d’une séance d’endurance à Aragon : votre nouvelle arme est-elle fin prête pour Imola ?

Très clairement, oui la voiture est prête pour démarrer à Imola. Depuis ses premiers roulages en piste début décembre 2023, la voiture 2024 a couvert aux alentours de 8000 kilomètres d’essais. Après le but d’une séance d’endurance telle que celle que nous venons d’accomplir, c’est de préparer notamment les 24 Heures du Mans, or là pour le coup c’est encore trop tôt pour s’estimer prêts. Mais on aura encore au moins une endurance et des tests d’ici au double tour d’horloge sarthois, pour peaufiner notre préparation, même si l’on n’est jamais complètement prêts pour un tel défi à la fois technique et humain.

Quels objectifs vous êtes-vous fixés pour la suite de la saison ?

L’objectif est clairement de revenir dans le match et de jouer régulièrement le podium, voire la victoire. Nous avons pu compter sur un engagement total du Team Peugeot TotalEnergies pour le développement de cette PEUGEOT 9X8 2024 et nous avons hâte de démontrer le résultat de ces efforts. Intrinsèquement, la voiture est plus performante, après on est aussi réalistes, nos concurrents avaient une grosse avance. On est certains d’avoir réduit une partie de ce retard et les premières courses diront de combien on l’a comblé. Puis il faut que l’on continue à travailler car aujourd’hui en termes de niveau de réglages, la voiture 2024 est encore brute par rapport à la 2023. La répartition des masses est différente, les pneus également, par voie de conséquence leur fenêtre de fonctionnement l’est aussi, au même titre que les problématiques rencontrées, donc il nous faut réapprendre un petit peu tout ça mais c’est un processus normal.

Les 24 Heures du Mans seront à nouveau le grand moment de la saison. Qu’est-ce qui fait de cet événement une épreuve si spéciale ?

Il y a plusieurs choses. Techniquement, le tracé est très spécifique, avec un taux de charge très élevé, des vitesses maxi atteintes qui sont les plus importantes de la saison. D’un point de vue sportif, c’est une piste ou personne ne peut rouler pour s’entraîner, donc on redécouvre à chaque fois qu’on y arrive. De fait il y a quand même une prime très importante à l’expérience, par rapport au fait d’avoir déjà couru sur ce tracé. Nous l’avons roulé en 2023 et on a énormément appris. Il y a aussi une gestion des incidents de course qui est spécifique, avec les Slow Zones que l’on retrouve uniquement au Mans et qu’il faut de fait appréhender. Au-delà de ça, et c’est le plus important, il y a toute la dimension légendaire, mythique, de cette course historique, avec une pression à la hauteur de son audience et de sa notoriété.

Avec Lamborghini, Alpine, BMW et Isotta Fraschini qui vous rejoignent cette année en Hypercar, où l’on trouve également Ferrari, Porsche, Toyota et Cadillac, neuf constructeurs sont actuellement engagés dans la catégorie reine. Est-ce un âge d’or de l’Endurance ? Et comment l’expliquez-vous ?

Si on se réfère au nombre de constructeurs impliqués, c’est forcément un âge d’or. C’est la conjonction de plusieurs facteurs. Globalement, l’attrait pour le Mans est resté extrêmement fort, pour le public comme pour les constructeurs. Ensuite il y a un règlement technique qui aujourd’hui est assez ouvert avec deux types de plateformes différentes. Le LMDh qui permet d’utiliser, majoritairement sur la partie châssis, des composants développés par un fournisseur extérieur. C’est un premier business modèle. Le nôtre, le LMH en l’occurrence, qui est également celui d’Isotta Fraschini, Toyota et Ferrari, c’est de venir avec une voiture cent pour cent développée par le constructeur. Donc on peut dire que le règlement est suffisamment malin pour permettre différentes visions, avec un système de balance de performance qui vient équilibrer tout cela et qui permet également une limitation des budgets, redevenus plus raisonnables que ce qui s’était pratiqué ces dernières années.

Ce sont là les raisons de l’engagement du team Peugeot TotalEnergies en FIA WEC ?

Pour nous aujourd’hui effectivement, le rapport entre la notoriété, les retombées et l’argent investi est intéressant. Cela s’accommode bien également avec notre volonté de promouvoir les technologies, d’où notre engagement en LMH, qui fait la part belle aux véhicules hybrides à quatre roues motrices. En plus de ça, il y a l’aspect mythique, historique. Puis le palmarès de Peugeot, qui compte déjà plusieurs victoires aux 24 Heures du Mans, fait que c’est une discipline où nous sommes légitimes.

Quelles sont les différentes facettes de votre collaboration technique avec TotalEnergies ?

La compagnie TotalEnergies nous accompagne depuis le début de l’aventure, et ses équipes sont extrêmement présentes en tant que support technique sur toute la partie lubrifiants : fluides hydrauliques, fluides de transmission, lubrifiants moteur également où ils nous apportent toute leur expertise. Ils nous fournissent aussi un soutien en exploitation, notamment en essais où ils réalisent pour nous des analyses de lubrifiants qui nous permettent d’évaluer l’état de santé de nos différents organes. Ils peuvent ainsi nous dire par prélèvement d’huile s’ils retrouvent des traces de tels ou tels métaux dans la boite de vitesses, ce qui permet de savoir un petit peu en avance comment nos pièces se dégradent pendant les séances d’essais. C’est très précieux dans la préparation des courses. Le deuxième volet de notre partenariat technique concerne notre batterie que nous avons codéveloppé, via SAFT, la filiale de TotalEnergies.